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cc dit-il, quel est le Bearnois; et toutefois c'est le roy a que veulent avoir ceux de la cour, et les politiques; « c'est leur rédempteur, leur christ et leur sauveur, « qu'Us veulent seul adorer et reconnoistre. Au reste, *« messieurs, dit-il, prênes garde à vostre ville, si vous « voulés : car les politiques y brassent un terrible mes-« nage, qui ne les préviendra. » Que c'estoit grande pitié de ce que les pauvres prédicateurs enduraient, et principalement les pauvres mendians comme lui, quand ils alloient par les rues; qu'on leur disoit mille injures, jusques à les menasser de leur jetter de la fange au visage. Voila une partie de son évangile de ce jour : car de celui de Jesuschrist, il estoit trop -vieil pour en parler : comme le dit un ligueus à un autre, qu'il valoit bien mieux parler du temps que de s'amuser à prescher une évangile.
Pendant ce mois, il fust grand bruit à Paris d'un esprit qui revenoit à Saint Innocent, où le monde al­loit en procession, depuis qu'il estoit nuit jusqu'à onze heures du soir. On l'oioit se plaindre en forme d'un tonnerre grondant quand le ciel est encore clair, devant que le grand orage vienne. U appeloit son pere, sa mere, sa tante; disoit qu'il faloit tuer les politiques, et ne recevoir le Bearnois. Cest esprit enfin fust trouvé avec son corps et sa teste, qu'il avoit dans un chau­dron, en une tombe de Saint Innocent. Et aiant esté recongneu pour le vallet d'un Coustelier, fut empri­sonné à petit bruit, à cause du temps, crainte d'émo­tion et de scandale.
Les Hespagnols en ce mois donnerent force colla­tions aux belles dames et damoiselles de Paris, et firent des festins magnifiques.
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